Paul, le 'coach'

Paul, le 'coach'

Il ne détache plus les yeux du terrain. Son regard, profond, habité, accompagne les passements de jambes, les accélérations, les tacles glissés. Le long de la ligne de touche, à chaque prise de balle de l’un de ses joueurs, à chaque contact, il vibre, frémit, fulmine. Sans même parler leur langue, « le coach » les connaît tous, chacun par son surnom.

Le « coach » c’est Paul Owa, trente-trois ans, ivoirien, mécanicien, qui, en mars 2013, pris dans la tourmente des violents affrontements liés à la succession du président Gbagbo, doit fuir son pays, laissant sa femme et ses deux enfants.

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Paul Owa. Photo : Dennis-Pierre Cuche

Photo : Dennis-Pierre Cuche

L’arrivée en Europe (Pays-Bas) est dure, brutale même. Paul ne parle pas la langue et souffre d’une grave maladie pulmonaire. Cinq mois après avoir entamé une procédure de demande d’asile, il est transféré dans un centre fermé au nord du pays où il endure le climat et l’attente. « La vie n’était pas facile. Pas de travail, pas d’activité, je ne pouvais rien faire. J’avais tout perdu. Mentalement, ça n’allait pas du tout. Je ne supportais plus la situation », confie Paul.

Au début, il se renferme, s’isole, croit devenir fou. On l’interne au centre psychiatrique de Winschoten, dont il s’évade au bout de deux mois pour fuir vers la France (Lyon), où il apprend qu’il devra patienter dix-huit long mois de plus avant d’introduire une nouvelle demande d’asile.

Mais, au lieu de s’effondrer, Paul se ressaisit et, pour combattre le stress, se démultiplie. Un jour entraîneur, un jour bénévole au Secours catholique ou à la Croix-Rouge, un autre jour réparateur de véhicules que l’O.N.G. Free Syria Lyon remplit de vivres, de vêtements et de médicaments.

Secours catholique Croix-Rouge Free Syria Lyon

« Ce qui est impressionnant et tout à fait exceptionnel chez Paul, analyse Jean-Claude Métraux, psychiatre à Lausanne et spécialiste des phénomènes de migration, c'est sa capacité de donner du sens à son temps d'attente, là où la plupart des demandeurs d’asile sombrent dans la dépression, l’alcool et toutes sortes d’autres maux »

L’ancien numéro cinq des Satellites d’Abidjan, a même monté une équipe de football composée exclusivement de demandeurs d’asile. Une sorte de thérapie de groupe mais aussi une deuxième famille, composée de ses « frères » blancs ou noirs, catholiques ou musulmans, kosovars ou congolais. Depuis, il a organisé de grands « tournois de l’espoir » entre différents centres pour demandeurs d’asile, touchant ainsi ainsi des centaines de personnes.

Satellites d’Abidjan

Peu après son arrivée en France, en 2013, Paul, qui avait grandi dans la foi chrétienne et n’avait jamais cessé de prier, cherchait Dieu, ne sachant à quelle Église se joindre. Un jour, alors qu’il attendait le métro, deux missionnaires l’ont abordé. Il a accepté de les écouter, de recevoir les enseignements, et de venir à l’église. Trois mois après, il entrait dans les eaux du baptême et, depuis, se prépare à recevoir la Prêtrise Melchisédech et cultive un témoignage brûlant : « Je sais que la prière, Le Livre de Mormon et la Bible sont les enseignements que Dieu a mis pour m’aider à faire face à toutes les épreuves de la vie. Je témoigne que Dieu est réel et que Jésus est son fils et qu’ils nous aiment. Au nom de Jésus-Christ. Amen. »